Petite réflexion sur le croquis
Je me présente, je m’appelle Roy, je suis passionné de dessin. J’ai fini un cursus en arts plastiques et suivi quelques séances de croquis aux beaux-arts de Toulouse. Pour la plupart des gens, la limite entre un dessin travaillé et un croquis rapide est assez floue et très relative, j’ai alors proposé d’écrire un article à votre auteur habituel pour présenter quelques idées sur l’art du croquis.. J’ai regroupé tout ce que je sais pour mieux cerner l’idée du croquis en un petit article. De mon humble expérience, on n’aborde pas une séance de croquis de la même manière qu’une séance de dessin. Il y a une part d’expérimentation dans le premier et aussi quelques règles que tous mes professeurs m’ont répétées pendant les cours.
Le croquis va à l’essentiel
« Un croquis doit fidèlement refléter, en quelques coups de crayon, les formes et valeurs d’un sujet dont il ne retient que les principaux aspects.» (Brenda Hoddinott, le dessin pour les nuls)
Un croquis doit mettre en avant un trait que l’on perçoit dans le modèle que l’on choisi. Ce qui attire notre attention et qu’on a envie de montrer. Un détail, une profondeur dans le paysage, une main avec une pose élégante, un jeu de lumière...
Une réflexion personnelle m’a amené à penser qu’un dessin est constitué à la base d’un squelette précis (anatomique ou d’une perspective), d’un travail de valeur pour le modelé, de cernes pour le contour des formes... Lorsqu’on débute dans cette activité, il peut être utile de travailler ces éléments séparément pour mettre en avant, la ligne ou le travail de valeur ou les lignes de constructions. Vous verrez que ces bases possèdent des qualités spéficiques et créent une ambiance différente.
Un croquis possède une certaine pureté
Si on place les lignes et les valeurs dans un même travail, on commence à pencher vers du dessin. Simplement parce que l’attention de celui qui va voir l’œuvre est divisé entre les beaux dégradés et les contours.
On peut comparer les croquis de Matisse et ceux de Degas. Degas n’ajoute pas beaucoup de nuances de gris et pourtant le léger modelé focalise notre attention au détriment des autres traits. Au contraire les croquis de Matisse, uniquement fait avec des lignes, montrent des traits d’une grande pureté et on observe la ligne pour sa simplicité.
Après tous les deux ont une approche différente puisque Degas utilise son croquis pour créer une peinture, alors que pour Matisse il se suffit à lui-même.
Est-ce qu’on repasse sur ses traits ?
Alors je dis oui et non. « Oui » parce que ça enrichi le croquis (on peut voir les tâtonnements) dans la mesure où le trait sur lequel on repasse est plus clair que celui qu’on lui superpose. Revenir sur ses traits, c’est un travail par couches successives qui tend à devenir, avec un médium granuleux tenu par la tranche, celui d’un peintre qui pose sa matière sur la toile (voir les croquis de Renoir qui travaille surtout des surfaces de gris et avec peu de cerne).
Et je dis aussi « non » si on ne travaille que sur les contours, à ce moment la composition a plus de force si il n’y a pas de retouche. La ligne est comme une incision nette sur le papier. Après ce que je dit n’est pas valable pour tout le monde. Giacometti par exemple se place entre la ligne et la surface, il repasse plusieurs fois les contours de ses formes et de ce fait, génère presque des couches. La cerne devient texture de l’objet.
Après il est beaucoup plus intéressant de laisser les « erreurs » que d’utiliser la gomme pour effacer. Au final c’est un choix, Cézanne et Ingres reviennent sur leurs traits, Klimt et Schiele non.
Le croquis doit être rapide et fait dans l’agitation (plus mentale que manuelle)
« Il saisit l’instant
A l’aide de procédés simples, saisissez le mouvement passé, présent ou potentiel des êtres vivants, le galop d’un cheval, par exemple. Ou plus subtile, l’expression fugace d’un enfant. » (Brenda Hoddinott)
« Le croquis rapide doit capter en quelques secondes, un geste, un élément caractéristique ; avec quelques traits simples l’artiste parviendra à donner un maximum d’informations. Pour y parvenir une seule solution : la pratique » (V.B Ballester et J.Vigé dans le Grand livre du Dessin)
La vitesse sert justement à ne pas s’ennuyer et à ne pas relâcher son attention. Les croquis les plus longs que j’ai fait en cours duraient 5mn, c’est long et court à la fois. Cependant si l’on juge qu’on ne peut placer aucune ligne de plus sans que cette dernière alourdisse la composition, on est en droit d’arrêter.
Le motif apparait tout en même temps sur la feuille
Pas de petit bout par petit bout, on passe d’une jambe au bras, de la tête à la main pour ensuite faire une partie du torse et arriver aux pieds pour revenir sur les cheveux... Tout le contraire de dessiner la tête, les yeux, le nez la bouche puis de petit à petit travailler chaque membre individuellement.
On va du général au détail. Donc pas d’oeil avant que tout le corps ne soit placé dans la feuille. Le crayon voyage d’un bout à l’autre du support, non pas de manière déterminée pour chaque croquis mais selon là où se porte notre attention à ce moment.
Le crayon suit le mouvement des yeux, pourquoi nous dit-on qu’il faut plus regarder le modèle que son dessin lorsque l’on croque ? A regarder notre feuille, on s’enferme dans notre bulle de dessinateur et on coupe le pont avec notre motif.
Pour aller plus loin :
Quand une personne regarde le croquis achevé, elle doit sentir qu’on ne s’est pas ennuyé, qu’il y a eu un enjeu, une intention de notre part.
Ionesco dit dans son livre le blanc et le noir, « l’intention c’est l’expression du tempérament ». Il y a donc de notre personnalité dans le fait de choisir tel ou tel détail à mettre en avant, de faire tel ou tel effet, de faire disparaître un objet, de tracer des traits avec un certain angle, une certaine pression, d’utiliser un type de médium...
C’est pour ça qu’il faut être à l’écoute de ce que l’on ressent, et en même temps se libérer en partie de ce que l’on voit du modèle afin de mieux le réinterpréter. Mais en général on est sur la bonne voie lorsque l’on ressent des doutes, lorsque l’on sent qu’on hésite à faire quelque chose, c’est le meilleur moyen de savoir que l’on est sorti de nos habitudes.
D’un autre côté il ne faut pas écouter ces questions et agir, dans le pire des cas on aura perdu 2 ou 3 minutes et une feuille de papier (et encore le travail peut nous servir à mieux réussir le suivant). Je termine avec une citation de mon professeur qui résume l’état d’esprit durant la séance de croquis, il disait à ses élèves « ne soyons pas timoré, c’est possible qu’on se plante mais plantons nous avec joie ».
Voilà cet article n’a pas comme objectif de vous dire « un croquis c’est ça », je le vois plus comme un point de départ pour créer votre idée personnelle de cette activité. Le développement de la pensée est aussi important que le développement d’un style. En espérant que tout ça vous a aidé à y voir plus clair et donné envie de fouiller de quoi entretenir votre fibre créatrice du côté des grands artistes.
Un grand merci à Roy pour cet article, retrouvez le sur son blog consacré au dessin et à la 3D : Blog Le Dessin